Catastrophe lente – 81

?

Il arrive qu’étant en période d’exhibitionnisme, Alice se regarde dans le miroir en pied être ttès colère, prenne des poses furieuses ou séductrices, utilise dans nos conversations sans aucun contexte logique des expressions piquées je ne sais où et n’ait plus grand-chose de naturel. Je présume un passage obligé de son développement, une marche dans son ascension vers la figure mythique de la Maman idéale, un progrès qui n’a rien de très enthousiasmant.

Et par ailleurs, question absence de contexte, sans plus d’à-propos, assise sur son bout de tapis, prenant un air ravi, quoique la prunelle inquiète et sournoise : « Je veux que tu me donnes ton caca, que tu le mettes dans mes fesses, que je te fasse caca dessus ! »

Doux Jésus !

Je ne laisserai personne dire que cinq ans n'est pas l’âge le plus problématique de la vie. Je lui apprends aussitôt que je l’emmène au musée. Son peu d’enthousiasme pour l’art muséal ne me décourage jamais. D’ailleurs, on finit toujours au cinéma avant que je la remette précautionneusement à Maman.

Point noir

Le petit garçon accourt dans le bac à sable, il feinte à droite, feinte à gauche, attrape un coude menu – Alice se débat, il lui plie le corps, essaye ses forces sur elle, tord ses poignets, lui serre la nuque à la broyer, la coince du ventre contre le toboggan, et les doigts en grappe, il presse du bout des ongles un bout de joue, il amoindrit la chair qu’il corne, et de cette inflammation du comédon jaillit une petite salve de pus jaune à la tête noire qu’il subtilise à grands coups de langue râpeuse, non sans une respiration flûtée entremêlée de spasmes.

C’est un piège, bien sûr, on veut amadouer Alice, on veut l’apprivoiser. Elle lui tord le nez entre deux doigts.

Après quoi ils peuvent parler barbes à papa, chouchous et pommes d’amour.

[à suivre]