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Publié par Michel Castanier

Fiction mystérieuse, Satire, Comédies, Personnage de fiction, Roman aventures, Nouvelle, Littérature, romans policiers, Prose, Récit, Fantastique, Comédie dramatique, Humour, Roman (littérature)
[Lucia O'Connor McCarthy]

 

Un petit théâtre de province

 

1

 

Je ne sais si vous l’avez remarqué mais je n’ai jamais parlé de la troisième des terrasses. À peine une mention dans les débuts. J’ai mes raisons. Il est vrai qu’elle est peu fréquentée. C’est une sorte de loggia à l’arrière de la ferme. Elle est couverte d’un toit d’ardoises, et les colonnes de stuc bleu pâle qui le soutiennent, de conception récente, sont des ouvrages de broderie dignes d’une araignée très maniérée, modiste un peu zinzin. La terrasse festonnée de jours rappelle vaguement la scène d’un théâtre kitsch des Années folles. Ou les dentelles intimes d’une courti­sane de haut et triste vol. Elle ne bénéficie pas de la vue des mon­tagnes ni du surplomb de la pinède. Elle donne sur une arrière-cour de service. Il y fait plus froid qu’ail­leurs.

C’est pourtant là qu’elles se tenaient sur une balancelle. Une table basse, couverte de friandises et de coupes de Veuve Clicquot, était à leurs genoux. Elle avaient des petits airs de conspiratrices qui étaient aga­çants, des messes basses, des ricane­ments de fil­lettes, et se faisaient des tas de mimis. La sottise chez les femmes n’a pas d’âge. Je pressentais qui serait la victime du complot.

J’avais le cœur lourd. Chacun connaît cette expression. Si vous l’avez vé­cue, vous vous souvenez comme elle dit bien la pesanteur de tout que rien n’allège. Quand elles m’ont appris que m’attendait une surprise dans la soirée, je me suis préparé au pire, c’est d’ailleurs toujours le pire qui arrive.

Le soir est venu, cahin caha.

 

 

2

 

Elles ont absolument tenu à me bander les yeux avec un ban­dana de gaucho mais en cachemire paisley, tout de même. J’étais horrifié. Je n’ai jamais eu aucun goût pour les orgies, même sm, je suis un petit cœur fidèle. Pourquoi me suis-je laissé faire ? Parce que, contraire­ment à ce qu’ils croient, les hommes se lais­sent toujours faire.

On m’a conduit par la main. J’entendais les petits cris de sou­ris, les souffles, l’excita­tion. Ce fut long. On m’a assis. Vous sa­vez que se laisser aller en arrière à l’aveuglette est une épreuve. J’étais si triste que j’aurais accepté de basculer par-dessus le re­bord d’une falaise. L’épreuve se conclut par un fauteuil confor­table. Il y eut des bruits de fond qui n’étaient pas identifiables. Un silence.

Enfin, je fus autorisé à rejeter mon bandana.

Ce fut un lever de rideau !

En effet. Elles avaient aménagé la loggia en scène de théâtre. Une petite estrade avaient été apportée pour figurer les planches.

La pièce commença.

C’était une pantomime. Une pantomime conçue pour leur grand ami ! Une création ! Elles avaient voulu me distraire, mes chéries. J’en eus des larmes. Je suis un saule quand on est gentil avec moi.

 

 

[à suivre]

 

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