L’Hypothèse impossible VI Illogistiques des fêtes de la nuit – 33
Le Visiteur
Un bruit de pas m’alerta. Il y avait un enfant qui fuyait devant l’ancien dépôt de mendicité et qui disparut à une vitesse folle. J’ai négligé cette observation mineure : il y avait de temps à autre, depuis que nous avions fui la teinturerie Doucedame, des gamins qui couraient dans tous les sens comme s’ils ne s’arrêtaient jamais de courir. Peut-être était-ce le même. Il suffisait de n’y plus prêter attention.
Après nos récentes mésaventures mon guide paraissait de plus en plus désorienté – au point que je pris le pas sur lui, marchant d’un pas vif quoique feutré pour trouver une issue à l’asile. Le grand bénéfice était que Virgile restait enfin silencieux, alors que j’entrais dans la vaste cour devant la bibliothèque, à proximité du petit enclos des tombes – et m’aperçus donc n’avoir pas beaucoup plus amélioré notre situation, ayant sans doute tourné en rond.
Qu’est-ce que j’aperçois ? Monstruosité du commerce ! Prodige de niaiserie ! Une ombre occultait la lumière lunaire au-dessus de la tour d’angle. Un découvert dans les hauteurs des nuages, sous l’effet d’une bourrasque, laissa voir l’attelage des rennes du père Noël passer devant la lune.
« Avec une bonne longue-vue, me dit Virgile, vous reconnaîtriez sans peine oncle Punk sous sa barbe blanche. »
Les rennes traversèrent le champ des nuages et le traîneau descendit pour se poser sur le toit d’une des chaumières peintes par Gribouille. L’asile s’obscurcit, les fenêtres reflétaient désormais la lune indifférente, comme à son habitude.
Je ne montrai aucune impatience quand je m’adressai au « cicerone ».
« Avez-vous la moindre idée de ce qui se passe ici, espèce d’escroc ?
– Non.
– Vous devriez, pourtant. On est chez vous, en somme.
– J’ai des soupçons.
– Mais encore ?
– De tous petits soupçons. Je vous en ferai part s’ils se confirment. Pour l’instant, il vaut mieux se bouger. »
[à suivre]