L’Hypothèse impossible VI Illogistiques des fêtes de la nuit – 34
Fiodor Antonovitch Verkhovensky
Ce petit jeune homme à la houppette blonde détenait d’étonnantes ressources de vitalité et d’astuce : soudain ranimé, il rua en sorte de démonter le chevalier, se glissa sous lui, revint à l’écurie récupérer une fourche pour l’avoine, et aussitôt il s’en servit d’abord comme écu, puis, changeant d’avis sous la force des coups qui lui étaient assénés, comme d’une massue dont il espérait assommer le fou furieux.
L’épouvantable combat traversa la cour dans tous les sens, les chocs faisant voler alentours branches et pluies de feuilles. Aucun observateur sensé ne parierait cher sur la vie du pauvre journaliste, à cet instant pressé contre l’atelier de macramé, s’il n’avait donné du coude contre la brique du mur. Dès lors, les larmes aux yeux, enragé par cette douleur inattendue plus que par les coups qu’il recevait, Fiodor appliqua un grand revers de sa fourche sur le saladier de son assaillant – si fort que le saladier parut lui entrer dans les épaules, et le chevalier, qui sentit que le choc pouvait lui avoir été fatal, jeta un grand cri quand son corps interminable eut cessé de vibrer de la tête aux pieds, les pièces de l’armure s’entrechoquant follement. Cette effroyable bataille s’acheva sur ce haut fait d’armes, Fiodor profitant de l’étourdissement de son adversaire pour filer le long du mur.
Dès qu’il trouva une porte dans l’atelier de macramé, il la referma sur lui et se cacha derrière, soulevant à peine le vieux rideau fleuri pour observer ce que ferait le fou à présent seul au milieu de l’âpre arène.
Le chevalier s’éloigna, cassé en deux, jambes en arceau, traînant sa lance et son écu après lui dans un fracas de ferraille qui devait précéder longtemps à l’avance son parcours affligé dans l’asile.
[à suivre]