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Publié par Michel Castanier

conte fantastique
[Auteur non identifié]

 

Le Visiteur

 

« Qui êtes-vous ? » dit la monitrice à linconnu.

Elle fouilla dans ses cheveux blancs, très pâle, et ses doigts tremblaient. Ce singulier bonhomme était coiffé dun bé­ret fait dune four­rure de loutre marine et chaussé de bottes de mer en peau de phoque. Le reste de ses vêtements était taillé dans un tissu daspect in­déter­minable, conçu dune seule pièce, sorte de com­bi­naison as­sez légère et qui laissait une grande liberté de mou­vement.

Il considéra la petite albinos avec tristesse.

« Ne le voyez-vous pas ? »

Je ne compris pas le vif chuchotement de Virgile à mon oreille mais j’eus une illumination – ce qui n’est pas courant chez moi : j’en étais assuré, lhomme en qui j’avais reconnu un des membres de la Mai­son Nogre celui qui passait sa vie dans sa chambre de lHôtel du grand large à Hautemore, l’oncle Broc nous au­rait ap­pris avec une certaine satisfaction de soi, si nous avions eu cette curio­sité, que le tissu de ses vêtements était tiré du bys­sus des co­quillages marins et sa teinte vio­lette ex­traite des aplysies de la Méditer­ranée. Je commençais à entre­voir qui était ce comique. Quelle forme d’obsession hantait sa folie. Il est pro­bable sil nous avait invités à sa table sous-marine où il se nourrissait exclusi­vement de pois­sons et de coquillages de mer qu’il nous au­rait alors en­tre­tenus de pro­pos intermina­bles sur les bien­faits du phos­phore pour les Forces de lesprit.

 

Le capitaine Nemo, couvert de sang, demeura immo­bile de­vant le puits désert. Il navait plus son bel enthou­siasme. Le fou baissa la tête, son expres­sion avait perdu de sa vi­gueur, il pa­raissait même avoir soudain diminué de volume et de taille. Il perdit rapide­ment de son bronzage : il eut soudain des yeux trop pâ­les, le teint peu à peu dé­lavé comme dans une aqua­relle. Ses doigts er­rèrent sur la lame de la hache. Il semblait qu’avec la fuite de la gi­gan­tesque pieuvre quelque chose en lui se fût dé­sor­ganisé.

« A quoi bon ? » murmura-t-il.

Son visage se couvrit de larmes et il eut un geste sans beaucoup de si­gnifi­cation, avant de se détourner.

« À quoi bon tout ça ? »

Nous l’avons suivi des yeux jusqu’à ce qu’il en­tre dans lombre dune voûte et disparaisse de la cour 4.

 

« Pardon, monsieur. »

Une griffe tapota la hanche de Virgile. Il sauta en l’air et quand il retomba, il était devant un petit coq à lunettes.

« Un peu de bon sens, dit le coq à lunettes. Cette pieuvre vous aime. C’est Varicelle. »

La pieuvre réapparut au bord de la margelle, elle fit un tour d’ho­rizon pour vérifier si le dingue était encore dans les parages, se rassura, renifla, s’ébroua.

« Varicelle est notre sœur.

M'étonne pas.

Suis Schéhérazade. Tu veux que je te présente ? »

Schéhérazade n’était pas la moins grassouillette des sœurs Nogre, ainsi qu'il apparut alors qu'elle zippait la fermeture éclair de son cos­tume de plumes. Une multitude de poules surgie soudain aux alentours – toute une basse-cour – ôtait leur tête de pou­let.

Varicelle, qui avait écarté ce qui lui restait de ses multiples bras pour étreindre les petites sans doute la joie les laissa re­tom­ber.

« Ai seulement voulu décontracter mon tonton Nemo, dit-elle après avoir ôté sa tenue passablement déchirée. L’est si perdu. Renonce, pas tellement vexée. »

Elle se dégagea de la machinerie qui avait dû être piquée dans le Train fantôme d’une fête foraine.

«  Ouf ! J’ai eu chaud ! »

Elle se mit à rire, et ses sœurs lui firent écho, mas­ques de poule sous le bras, leurs grosses joues ani­mées d’une multitude de fos­settes.

 

 

[à suivre]

 

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